Les zombies sont un thème on ne peut plus actuel. Souvent rattachés à l’image d’une épidémie (comme ce qu’on est en train de vivre actuellement), ils évoluent généralement dans des mondes poste-apocalyptiques. Or, alors que le déconfinement se profile, certains parlent déjà du « monde d’après », de l’univers incertain où nous vivrons quand l’épidémie de COVID-19 sera terminée.
Il est donc temps de reprendre, après une très longue pause, la chronique du Monstres du Dimanche. Et pas avec n’importe quel thème – le personnage à l’honneur aujourd’hui sera le zombie, disons, épidémique. A noter que l‘original de cet article est paru chez Le Geek Moderne, site depuis remplacé par popcultureland.fr.
Aux origines des zombies
Le zombie est une figure solidement ancrée dans la culture tant littéraire qu’audiovisuelle et vidéoludique et, globalement, dans la culture geek. Mais en vérité, c’est un personnage qui trouve ses racines totalement ailleurs.
Commençons par quelques mots d’histoire. Au départ, les zombies n’avaient rien à voir avec une quelconque épidémie transmissible par une morsure ou un contact avec du sang contaminé. En effet, le zombie originel nous vient d’Haïti. Il s’agit d’un individu mort, puis ranimé par un prêtre vaudou avant que son âme trouve le repos. Ce peut aussi être quelqu’un qui a été inhumé sans suivre les rituels de purification et qui est ramené à la vie. Son seul objectif est de servir le maître qui l’a fait revenir. On ne verra jamais de zombie en pleine journée. On peut les apercevoir en train de travailler la nuit dans les champs de canne à sucre, mais jamais de jour, un peu comme nos vampires occidentaux. Par ailleurs, pour maintenir un individu en état de zombification, on évitera de lui donner certains aliments et boissons. Il doit éviter de manger trop salé ou boire de l’alcool. C’est mauvais pour la santé, puis ça pourrait le ramener en état d’éveil. Il s’agirait alors plus d’un état catatonique, voire d’une maladie, que d’une véritable mort.

Poison et pathologie
Alors d’où vient le concept du zombie comme une personne touchée par une épidémie qu’on voit dans tant de films ? Eh bien, certains chercheurs très sérieux (ethnobotanistes, professeurs de médecine légale) ont émis des hypothèses sur des substances neurotropes qui amèneraient un individu en bonne santé à l’état de pantin sans volonté. Il s’agit notamment de la toxine contenue dans certains organismes aquatiques comme le fameux fugu, poisson interdit dans la plupart des pays dû aux dangers liés à sa mauvaise préparation. Du poison à la maladie, il n’y a qu’un pas. De là, facile d’extrapoler vers l’épidémie, voire l’arme biologique, comme dans Resident Evil.
Les zombies psychiatriques
L’état de zombie peut aussi être social ou mental, pour ne pas dire psychiatrique. Des cas relevant de la psychiatrie ont été d’ailleurs été répertoriés dès la fin de 18e siècle : des gens qui se croient déjà morts, en décomposition, au point que ça puisse mener à leur décès. Et même si le zombie est surtout haïtien, l’Europe a elle aussi connu son lot de morts-vivants. Nés après les épidémies ravageuses, les guerres et autres petits plaisirs médiévaux, ils reflètent une prise de conscience et une réflexion sur la mort. Cette réflexion continue aujourd’hui à nourrir notre imaginaire vidéoludique – les jeux récents en donnent régulièrement la preuve, par exemple l’excellentissime A Plague Tale: Innocence ou encore Vampyr, auquel nous avons déjà consacré un article.

L’entrée du zombie dans la culture populaire occidentale
On peut probablement considérer que le zombie type « mort-vivant » a fait irruption dans la culture occidentale en 1932 avec le film White Zombie (titre français : Les Morts-Vivants). Deux jeunes fiancés, Neil et Madeleine, voyagent à Haïti où ils croisent la route d’un homme qui convoite la future mariée. Pour obtenir ses faveurs, il a recours aux services d’un chaman qui lui affirme que son seul espoir est la zombification de la belle. Le chaman a de la pratique, il a déjà zombifié pas mal de ses adversaires qui travaillent maintenant sur son champ de canne à sucre. Après moult péripéties et rebondissements, à la fin, le prêtre meurt et Madeleine est libérée de son emprise : sa zombification est réversible. Les autres zombies, désorientés, se jettent d’une falaise.

Depuis les années 1930, le joyeux mort-vivant en décomposition plus ou moins avancée a fait une belle carrière dans l’industrie cinématographique. Il s’est ensuite transposé sur chaque nouveau support de divertissement, de la bande-dessinée au jeu vidéo en passant par les séries. Pour la bande dessinée, la véritable révélation a été The Walking Dead, scénarisée par Robert Kirkman et dessinée par Tony Moore puis Charlie Adlard. La parution du premier volume date de 2003 aux Etats-Unis. C’est avec la série du même nom que sa cote a explosé auprès de ceux que nous appellerons le « grand public », à savoir les non-lecteurs de bande dessinées, les non-amoureux de jeux vidéo et les non-amateurs de films de série B.
Pour le jeu vidéo, les exemples sont presque innombrables. Evil Dead (1984) est considéré comme le tout premier véritable jeu de zombies. Ça fera donc bientôt 35 ans que le jeu vidéo connaît les zombies de premier plan. Zombi (1986) est le premier titre d’Ubi Soft, notre géant français du jeu vidéo. Inspiré des films de Romero, il met en scène quatre jeunes coincés dans un supermarché au cours d’une invasion zombie… De quoi en mettre un coup à l’« originalité » de Dead Rising, mais aussi souligner les liens qui existent entre cinéma et jeu vidéo. La figure du mort qui sort de sa tombe pour s’en prendre au joueur est présente dans un très grand nombre de jeux, même s’il n’y occupe pas toujours une place prédominante. Vous vous souvenez des draugr de Skyrim ? Ce sont des morts sortis de leur tombe tirés tout droit des mythologies islandaises. Mais on retrouve aussi les zombies dans les bestiaires de Diablo III (squelettes et zombies), ou encore Read Dead Redemption (l’extension), ou Call of Duty, et même dans le premier Mass Effect lorsque les colons de Feros sont possédés par le Thorien.

Culture populaire et zombies, une longue histoire d’amour
80 ans dans le cinéma, 35 ans dans le jeu vidéo et 15 ans dans les séries. Une chose est sûre, c’est que la culture geek est profondément et durablement marquée par le personnage du zombie. Les causes et les conséquences de la zombification présentées sur ces supports sont somme toute assez variées. On a le laboratoire de Resident Evil qui développe secrètement des armes biochimiques : un jeu qui s’inscrit parfaitement dans les peurs et considérations du moment… On a le « zombie psychiatrique » d’Evil Within, parce que si on considère que le zombie est un être dépravé de sa volonté, on ne fait pas plus zombie que les créatures de Ravik. On a le zombie glamour de Dead Island, riche, mort et en bikini. Et le zombie charcuterie de Dead Rising.
Personnellement, je dirais que ma révélation zombiesque s’est produite avec le film 28 jours plus tard, alors que j’étais encore une ado innocente. Si on n’a rien contre le kitch et le second degré, on a aussi la série des Evil Dead qui ont inspiré par mal de jeux, ou encore Shawn of the Dead. Et les bons jeux de zombie, il y en a à gavasse… Même si les schémas restent souvent les mêmes, on s’amuse toujours à se faire peur.
Bref, le zombie a une place au chaud dans nos cœurs et sur nos écrans. Même les scientifiques se prennent au jeu. Une étude on ne peut plus sérieuse menée à l’université de Leicester a établi qu’en cas d’épidémie de zombies, l’humanité ne survivrait qu’une centaine de jours. Il paraît même que le Pentagone a un plan d’action en cas d’invasion de morts-vivants. Vrai ou pas ? On va se l’avouer : en tant que geeks, on a tous déjà prévu ce qu’on fera le jour ou l’apocalypse zombie arrivera.
Avouez que certains d’entre vous s’y sont crus, avec le COVID-19.

Encore un super article, comme toujours !
Merci, ça me fait énormément plaisir de lire ça 🙂